DEUXIÈME SAISON - BRYAN MANGIN

La famille imperiale

Introduction

La famille impériale est l’une des entités les plus importantes – si ce n’est la plus importante – du peuple japonais. Considérée comme la plus ancienne dynastie du monde, il s’agit d’un univers à part, régie par des traditions et des protocoles rigides dont les jeunes générations de souverains ont bien du mal à se défaire. Au cœur de tous les us et coutumes, l’usage de titres, honorifiques ou non d’ailleurs ; en suffixe, en préfixe, à toutes les sauces. Oui, en préfixe, un cas de figure unique. Il existe même des titres posthumes et le système des noms de famille est très différent de ce que nous avons vu jusqu’à présent.
Le sujet est donc vaste et ce cours a pour but de vous expliquer de la manière la plus détaillée et la plus simple possible toute la complexité du système de statut dans la famille impériale japonaise. Et pour bien tout comprendre, il sera nécessaire de répondre à plusieurs questions :
– Comment est né la dynastie impériale ?
– Sur quoi la dynastie impériale s’appuie-t-elle pour légitimer son pouvoir ?
– Comment le pouvoir impérial se transmet-il d’une génération à une autre ?
– Quels sont les particularités du système de dénomination des Empereurs et des Impératrices ? Des princes et princesses impériales ?
– Quelles sont les us et coutumes ?
– Quelles sont les différences culturelles entre le Japon et l’Occident dans la manière de désigner leurs représentants symboliques respectifs ?
– Quels suffixes ou titres faut-il utiliser selon le statut du membre de la famille impériale et dans quel contexte ?
Enfin, une fois arrivé au bout de ce cours, vous aurez une liste de plus de quarante mots de vocabulaire à apprendre et des exercices. Mais pour l’instant, suivez le guide.

L’Histoire de la Dynastie Impériale du Japon

Le contenu de cette partie est un copier-coller de la page du site de National Geographic :LE LIEN
Pendant plus de 2600 ans, la même famille a régné sur le Japon. Cette dynastie héréditaire continue la plus ancienne du monde – autrefois révérée pour son lien avec les dieux shintoïstes – existe depuis environ 660 av. J.-C. et les preuves matérielles de son règne remontent à environ 300 après J.-C. Aujourd’hui, la Maison impériale du Japon a un rôle symbolique mais n’exerce aucun pouvoir exécutif ou militaire au sein de l’État japonais. Même si elle n’a pas la réalité du pouvoir, la monarchie japonaise a une signification traditionnelle importante.
C’est l’Empereur Jinmu qui aurait fondé le royaume en 660 av. J.-C. après s’être battu avec les chefs locaux. Cependant, Jinmu est largement considéré comme une figure symbolique et légendaire. Les spécialistes supposent que Jinmu, un descendant de la déesse solaire, représente la façon dont la culture Yayoi, l’une des quatorze subdivisions traditionnelles de l’histoire du Japon, s’est répandue dans la région de Yamato. Le jour de l’accession au trône de Jinmu, le 11 février, est un jour de fête appelé Journée de la Fondation Nationale.
Les descendants de Jinmu régnèrent ensuite sur un royaume en expansion. Au cours des siècles, l’importance des pouvoirs de l’Empereur du Japon a varié. À partir du 6e siècle après J.-C., l’Empereur était supposé être en contact avec des dieux, mais ce pouvoir ne se traduisait pas en pouvoir politique. À différents moments de l’histoire japonaise, l’Empereur était perçu comme une manifestation des dieux, mais n’était pas vénéré comme un dieu en soi.
À mesure que l’élite des samouraïs grandissait au Japon, à partir du 10e siècle après J.-C., l’influence de sa monarchie diminua en partie à cause de l’incapacité des empereurs à diriger leur peuple depuis Kyoto, le siège traditionnel de la monarchie. Le shogunat, une dynastie de shoguns qui dirigèrent le Japon de 1603 à 1867, statuait de fait au nom de l’empire jusqu’au 19e siècle.
Pendant la restauration Meiji en 1868, la fonction de l’Empereur changea. L’Empereur Meiji a transféré la monarchie à Tokyo, le shogunat a pris fin et les empereurs ont gouverné sous un État plus centralisé. L’Empereur du Japon était passé d’un rôle essentiellement symbolique à un rôle doté d’un pouvoir impérial direct.
Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont forcé l’Empereur Hirohito, au nom duquel le Japon avait combattu les Alliés, à renoncer à tout lien avec la divinité. Hirohito a également contribué à donner une légitimité à la nouvelle constitution japonaise de 1947, qui abolissait l’aristocratie japonaise, tournait le dos au concept d’expansion impériale et faisait de l’Empereur une simple figure symbolique.
La famille impériale du Japon ne compte plus que 18 membres et est menacée par une loi sur les successions interdisant aux femmes d’accéder au trône. Bien que les empereurs japonais règnent traditionnellement jusqu’à leur mort, l’Empereur Akihito, fils de Hirohito, a abdiqué ce 30 avril 2019 pour des raisons de santé. L’ascension du prince héritier Naruhito sur le trône ne laissera ensuite la place qu’à trois héritiers.
Un certain nombre de femmes de la famille impériale japonaise ont quitté la monarchie en épousant des roturiers. Bien qu’il y ait eu des impératrices du Japon, la règle de succession réservée aux hommes est toujours en vigueur, et bien que le gouvernement japonais ait été chargé de trouver des solutions à ce qui est perçu comme une crise croissante, rien n’indique pour l’instant qu’il sera disposé à faire fi de la tradition.

La maison impériale du Japon

Maintenant, je vais vous donner quelques mots de vocabulaire qu’il est important de connaître ET de comprendre pour pouvoir mieux aborder la suite.

世襲親王家 . セシュウシンノウケ
Voilà un bien long mot. Décortiquons un peu tous ces kanji :
世襲 . セシュウ . Héréditaire
親王 . シンノウ . Princes impériaux, parents princiers
.,. La maison, le foyer ; la maison impériale
世襲親王家 . セシュウシンノウケ . La maison impériale des Princes impériaux héréditaire. Alors, que signifie ce mot très pompeux ? Avant de nous pencher là-dessus, voyons ce que signifie :
世襲 . セシュウ . Héréditaire : rien de particulier à dire. Ce mot est à prendre au pied de la lettre.
親王 . シンノウ . Princes impériaux, parents princiers : ici, nous avons quelque chose de plus intéressant. Nous avons vu quelques cours en arrière des titres non-honorifique pour dire « prince », « princesse », etc. Il y a quelque chose de très important à savoir pour éviter toute confusion. Pour désigner un Prince impérial au Japon, les japonais utilisent le titre 親王. Pour désigner un Prince d’un autre pays dans une royauté, notamment en Occident, les japonais utilisent 王子.
.,. La maison, le foyer ; la maison impériale : ce kanji signifie généralement « la maison, le foyer » et se prononce いえ et うち en purement japonais. Tandis que, accolé à un nom de famille, il se prononce en sino-japonais. Et quand il s’agit de la famille impériale, il se prononce en sino-japonais.

Je vous donne rapidement six autres mots. Mémorisez-les :
内親王 . ナイシンノウ. La Princesse impériale : ici aussi, attention aux confusions. Pour désigner une Princesse impériale au Japon, les japonais utilisent le titre 内親王. Pour désigner une Princesse d’un autre pays dans une royauté, notamment en Occident, les japonais utilisent 王女. Enfin, une dernière remarque : le titre non-honorifique . ひめ désigne une princesse, une fille d’une famille noble qu’on croise beaucoup dans des œuvres d’inspiration occidentale mais aussi japonaise MAIS NE désigne JAMAIS une princesse impériale au Japon.
皇太子 . コウタイシ. Le Prince héritier, le Prince héréditaire : désigne le Prince héritier, héréditaire. À ne pas confondre avec 親王 qui désigne simplement le prince impérial, susceptible seulement de devenir Prince héritier.
皇太子妃 . コウタイシヒ. La Princesse héritière, la Princesse héréditaire : désigne la Princesse héritière, héréditaire. À ne pas confondre avec 内親王 qui désigne simplement la Princesse impériale, susceptible seulement de devenir Princesse héritière.
皇后 . コウゴウ. L’Impératrice : désigne l’épouse de l’Empereur.
皇太后 . コウタイゴウ. L’Impératrice douairière : désigne la mère ou la veuve d’un Empereur japonais.
太皇太后 . タイコウタイゴウ. La grande Impératrice douairière : désigne l’épouse des empereurs dont le règne est séparé de celui de l’actuel Empereur par au moins un autre souverain.

Les quatre branches de la famille impériale japonaise

Il y a plusieurs siècles en arrière, afin d’assurer la pérennité de la lignée impériale, des maisons destinées à fournir un successeur mâle au trône du chrysanthème si la lignée principale n’avait plus d’héritier, ont été créées.
Voilà une définition très simple. Je ne vous en dis pas plus pour le moment, j’entrerai dans les détails lorsque nous aborderons la partie historique.
Je vous donne ci-dessous les noms des quatre branches (aussi appelée « maison ») de la famille impériale japonaise. Observez bien :
桂宮家 . かつらみや. La maison Katsura-no-miya
伏見宮家 . ふしみみや. La maison Fushimi-no-miya
有栖川宮家 . ありすがわみや. La maison Arisugawa-no-miya
閑院宮家 . カンインみや. La maison Kan’in-no-miya
La chose la plus importante à noter ici est le kanji . みや. Ce kanji peut avoir plusieurs sens selon la phrase. D’une manière générale, il est utilisé comme suffixe pour les noms de palais, de temple et même de sanctuaire shinto, ce que nous avons vu dans un précédent cours. Et il est aussi utilisé en préfixe des noms de naissance des princes et princesses impériales pour définir de quelles maisons chacun et chacune sont issues. Et dans ce deuxième cas de figure, nous devons utiliser la forme .-みや. Cette forme est exclusivement utilisée pour les préfixes des noms de princes et princesses impériales.
À noter que la maison 伏見宮家 . ふしみみや a donné elle-même naissance à neuf autres branches, les 王家 . オウケ (branches mineures), toutes créées par des fils 伏見宮 . ふしみみや sauf une. Les 王家 . オウケ sont parfois dîtes « branches mineures » pour les distinguer des quatre maisons qui sont elles-mêmes dîtes parfois « branches ». Désanoblies par les forces américaines en 1947, ces branches mineures n’existent plus aujourd’hui. Toutefois, depuis quelques années, les conservateurs politiques ont proposé de restaurer ces anciennes branches pour permettre à la famille impériale d’adopter un membre mâle comme solution à la controverse sur la succession impériale japonaise.
Enfin, si nous prenons en considération toutes les maisons princières en plus de leurs branches mineures et le fait qu’elles sont aujourd’hui désanoblies, vous trouverez plusieurs princes et princesses impériales qui ne portent pas forcément 桂宮-, 伏見-, 有栖川-, 閑院宮- comme nom de complaisance. En effet, tous les princes et princesses impériales nés après 1947 portent un nom de complaisance basé désormais sur un passage d’un des Classiques chinois uniquement, comme le veut la tradition.
Ainsi, le dernier Empereur du Japon en date, né le 23 Février 1960, se nomme 浩宮徳仁 . ひろのみやなるひと. À sa naissance, il fut titré 浩宮徳仁親王. En français, nous traduirons par « Son Altesse impériale le prince impérial Naruhito de Hiro ». Puis, à la mort de son grand-père, l’Empereur Hirohito, alors qu’il n’était pas encore Empereur, il prit le titre de 皇太子徳仁親王. En français, nous traduirons par « Son Altesse impériale le prince héritier Naruhito ». Enfin, après l’abdication de son père Akihito, son avènement au trône marqua le début de l’ère Reiwa et il n’est plus connu au Japon que comme 天皇陛下 ou encore comme 今上陛下. En français, nous traduirons par :
天皇陛下 . テンノウヘイカ . « Sa Majesté l’Empereur ».
今上陛下 . キンジョウヘイカ . « Sa Majesté régnante ».
Maintenant que tout ceci a bien été expliqué, il est temps de passer à un peu de culture. Lisez tranquillement ce qui suit.

Le choix du nom de l’enfant dans la famille impériale

Le contenu de cette partie est partiellement un copier-coller de la page Wikipédia : LE LIEN
Si, pour le citoyen japonais lambda, choisir le nom de son enfant est généralement assez facile, pour la famille impériale, il y a des traditions à respecter (même si elles ne sont pas toujours respectées quoique). Voyons tout de suite quelles sont ces traditions :
Chaque enfant et petit-enfant, fille et garçon, aîné et cadet, de l’Empereur reçoit, sept jours après sa naissance, un :
– Prénom (名前 . なまえ) choisi par le père. Généralement utilisé par les observateurs occidentaux, à l’instar de l’Empereur actuel lui-même, désigné en Occident par son prénom 徳仁 . なるひと, il se termine par le suffixe - (signifiant « homme » dans son sens général) pour les garçons et - (signifiant « enfant » dans son sens général) pour les filles.
– Titre honorifique. Je vous ai déjà expliqué ce dont il s’agit. Placé en préfixe du nom de naissance, il est suivi du suffixe .-みや qui signifie littéralement « de la maison ». D’ailleurs, tous les membres de la famille impériale, sauf l’empereur, l’impératrice, les impératrices douairières, le prince héritier et son épouse, ont un nom officiel suivi de ce suffixe qui marque leur appartenance à une branche de la famille impériale. Ainsi était la tradition jusqu’à ce que les forces américaines désanoblissent les 王家 . オウケ en 1947. Aujourd’hui, ce titre est basé uniquement sur un passage d’un des Classiques chinois. Il est généralement traduit par le terme « prince de / princesse de », voire par la particule nobiliaire traditionnelle en France « de ».
– Emblème personnel (お印 . おしるし), généralement un végétal, choisi par la mère et symbolisant le caractère de l’enfant. Les épouses princières, après leur mariage et leur entrée dans la famille impériale, choisissent également un emblème personnel. Seul l’Empereur est amené à perdre celui-ci lors de son intronisation, au profit d’un sceau personnel aussi appelé お印 . おしるし.
Comme dit plus haut, le premier kanji du prénom et celui du titre honorifique proviennent par tradition d’une ou plusieurs phrases des Quatre Livres et Cinq Classiques de la littérature chinoise censées symboliser le caractère général du prince ou de la princesse.
Tous les fils et petits-fils d’un Empereur en ligne masculine, de même que son successeur jusqu’à son intronisation comme prince héritier, ont le rang de Prince impérial (親王 . シンノウ), et les filles et petites-filles en ligne masculine de l’Empereur portent, jusqu’à leur mariage, le titre de Princesse impériale (内親王 . ナイシンノウ). Enfin, chaque membre de la famille impériale, à l’exception de l’Empereur, de l’Impératrice et des impératrices douairières, est désigné par « Son altesse impériale » (殿下 . デンカ, littéralement « En-dessous du Maître »).
Tout cela peut aboutir à des titulatures parfois très complexes au premier abord mais une fois que vous avez bien compris comment tout cela fonctionne, vous vous y retrouverez.

Le titre posthume 天皇

Nous l’avons vu dans le cours intitulé « Écrire Une Date En Japonais » dans la première saison. Si les Occidentaux se basent sur le calendrier grégorien pour écrire la date, les japonais, quant à eux, écrivent la date en se basant sur les ères japonaises qui correspondent aux règnes des Empereurs du Japon. Chaque fois qu’un nouvel Empereur monte sur le trône au Japon, les japonais changent d’ère. Et ce que je n’ai pas précisé dans le cours à l’époque, c’est que les Empereurs japonais, à leur décès, reçoivent le titre de 天皇 . テンノウ qui suit directement le nom de l’ère correspondant à leur règne. En clair, c’est un nom posthume.
Un nom posthume est un nom honorifique donné notamment à des membres de familles royales ou à des nobles en Asie de l’Est après le décès de la personne. Il est utilisé presque exclusivement au lieu de son nom personnel ou des autres titres officiels accumulés au cours de sa vie. Cette pratique trouve ses origines en Chine et s’est propagée à d’autres pays voisins tel que le Vietnam, la Corée et bien entendu le Japon. Il y a quelques différences subtiles selon les pays mais ici nous nous concentrerons uniquement sur le Japon.
Dans la tradition japonaise, un Empereur est régulièrement nommé par son nom posthume qui nomme également l’ère de son règne. Cette pratique a vu le jour avec l’Empereur Meiji, de son nom de naissance 睦仁 . ムツヒト. Avant lui, tous les précédents Empereurs porte le titre de 天皇 . テンノウ qui suit directement le nom de naissance. Et depuis lui, tous les Empereurs, une fois décédés, portent le titre de 天皇 . テンノウ qui suit directement le nom de l’ère correspondant à leur règne.
Tout cela ayant été expliqué, je vous invite à relire le cours précité de la première saison qui résume tout ce qui s’est déroulé au Japon depuis l’ère Meiji jusqu’à nos jours. Et surtout, mémorisez bien les noms propres que je vous avais donné dans ce cours à l’époque. Vous pourriez bien en retrouver quelques-uns dans les exercices.

Les différences culturelles entre le Japon et l’Occident

Introduction

Les japonais ont donc des titres, suffixes et préfixes propres à leur langue pour désigner respectueusement leurs représentants symboliques. Ils ont également des titres pour désigner les rois, reines, princes et princesses des autres nations, notamment occidentales. Nous en avons vu la plupart dans le cours sur les suffixes honorifiques mais sans nous attarder sur l’enrobage culturel. Il est grand temps de s’y mettre car il y a beaucoup de choses à dire.
Les japonais marquent donc clairement une différence à travers la langue et l’origine de cette différence est principalement historique et culturelle. Je vais vous exposer ces différences en commençant par l’Occident, puis le Japon.

Les souverains occidentaux vus par les japonais

Dans le cours sur les suffixes honorifiques japonais, je vous avais donné un exemple avec l’unité de mesure . セイ qui permet d’indiquer l’ordre de succession. Je vous remets le même exemple ci-dessous en plus de quelques autres :
エリザベス2世 . エリザベス2セイ . la reine Elisabeth II
ヘンリー8世 . ヘンリー8セイ . le roi Henri VIII
フランソワ1世 . フランソワ1セイ . le roi François 1er
ルイ16世 . ルイ16セイ . le roi Louis XVI
マルグレーテ2世 . マルグレーテ2セイ . la reine Marguerite II
ビルスタン司教 . ビルスタンシキョウ . l’évêque Birstan
ミシェル・オペティ大司教 . ミシェル・オペティダイシキョウ . l’archevêque Michel Aupetit
教皇ベネディクト16世 . キョウコウベネディクト16セイ . le Pape Benoît XVI (du latin « Benedictus »)
教皇フランシスコ . キョウコウフランシスコ . le Pape François (du latin « Franciscus »)
教皇パウロ6世 . キョウコウパウロ6セイ . le Pape Paul VI (du latin « Paulus »)

Maintenant que je vous ai donné tous ces exemples, j’aimerais attirer votre attention sur plusieurs choses.
En Occident, les rois, reines, princes et princesses sont désignés par leur prénom et l’ordre de succession. Ainsi comme toujours, les japonais retranscrivent les noms des souverains occidentaux en se basant sur la langue d’origine. Quant à l’ordre de succession, il est représenté avec l’unité de mesure . セイ.
De nos jours, la très grande majorité des occidentaux n’est pas particulièrement à cheval sur l’emploi de marques honorifiques lorsqu’il s’agit de parler d’un souverain ou d’une souveraine. La plupart des monarchies absolues européennes n’existent plus, et même à l’époque où elles existaient encore, il n’y a jamais eu dans les langues occidentales des expressions honorifiques complexes pour s’adresser au souverain ou pour parler du souverain. Il y avait un protocole (et le protocole existe encore dans les quelques monarchies constitutionnelles qui subsistent en Europe) mais au niveau de la langue, les expressions honorifiques sont beaucoup moins nombreuses et codifiées qu’elles ne le sont dans les langues asiatiques comme le chinois, le coréen et le japonais.
Nous l’avons vu depuis le début de cette quatrième partie. En japonais, les marques de respect sont absolument partout : dans l’usage des pronoms personnels, dans la façon de marquer le pluriel, dans l’usage des suffixes honorifiques, des titres honorifiques et non-honorifiques, des préfixes honorifiques. Il y en a des dizaines ! Et nous n’avons pas encore vu en détail comment la politesse s’exprime aussi à travers la conjugaison des verbes. C’est bien plus complexe que le simple vouvoiement dans nos langues occidentales. Nous pouvons aisément dire que c’est pratiquement une obsession mais c’est ainsi que la plupart des cultures présentes en Asie ont évolué.
Et donc, en Occident, si nous ne nous encombrons pas de titulatures complexes, les japonais retranscrivent cette absence de complexité lorsqu’ils katakanisent des noms de rois, reines, princes et princesses d’Europe. Ainsi pour dire « la reine Elisabeth II » ou « le roi Henry VIII » ou encore « le roi François 1er », ils retranscriront comme ci-dessous le plus souvent :
エリザベス2世 . エリザベス2セイ . la reine Elisabeth II
ヘンリー8世 . ヘンリー8セイ . le roi Henri VIII
フランソワ1世 . フランソワ1セイ . le roi François 1er
ルイ16世 . ルイ16セイ . le roi Louis XVI
マルグレーテ2世 . マルグレーテ2セイ . la reine Marguerite II

Bien entendu, il est tout à fait possible de rajouter en suffixe les titres non-honorifiques correspondant : 女王, et 国王. Mais le plus souvent, ils seront retranscrits dans leur version abrégée. Si vous allez sur la page Wikipedia en langue japonaise de ces rois et reines, ce sont ces versions ci-dessus qui seront les plus présentes.

Les évêques et archevêques

Ensuite, nous avons les noms d’évêques et d’archevêques. Ce sont des titres non-honorifiques. Je vous les donne ci-dessous :
司教 . シキョウ . l’évêque
大司教 . ダイシキョウ . l’archevêque
Je vous redonne les exemples vus plus haut :
ビルスタン司教 . ビルスタンシキョウ . l’évêque Birstan
ミシェル・オペティ大司教 . ミシェル・オペティダイシキョウ . l’archevêque Michel Aupetit

Je ne vous donne pas les mots pour dire « prêtre » et je dis effectivement LES MOTS au pluriel car, en français, nous nommons « prêtre » différentes personnes indifféremment de la religion. Mais en japonais, selon qu’il s’agisse d’un prêtre chrétien, d’un prêtre bouddhiste ou encore taoïste ou shintoïste, sans compter la hiérarchie propre à chacune de ces religions, cela constitue une floppée de titres et cette leçon est bien assez longue comme cela. Je vous invite à chercher par vous-même si le sujet vous intéresse.

Les Papes

Ensuite, nous avons les noms des Papes. En occident, le Pape est le dirigeant de l’église catholique romaine. Il est considéré par les croyants comme le représentant de Dieu sur Terre. Il doit son statut et son pouvoir à la volonté divine. Par conséquent, comment les noms des Papes sont-ils retranscrits en japonais ? Je vous remets ci-dessous les exemples vus plus haut :
教皇ベネディクト16世 . キョウコウベネディクト16セイ . le Pape Benoît XVI (du latin « Benedictus »)
教皇フランシスコ . キョウコウフランシスコ . le Pape François (du latin « Franciscus »)
教皇パウロ6世 . キョウコウパウロ6セイ . le Pape Paul VI (du latin « Paulus »)

La première chose que nous pouvons remarquer est que le nom du pape est d’origine latine et les japonais se basent donc sur l’origine latine du nom pour le katakaniser. Pourtant, en français, le pape Benoît XVI, nous l’appelons tout simplement Benoît XVI, pas Benedictus XVI. C’est tout simplement parce que le nom du pape est toujours traduit dans les autres langues occidentales. Ainsi, les italiens disent « Benedetto », les anglais « Benedict », les espagnols « Benedicto », les portugais « Bento », les français « Benoît », etc. Mais les japonais, eux, s’en tiennent au nom d’origine « Benedictus ».
Ensuite, les noms des papes ont en préfixe un titre honorifique : 教皇 . キョウコウ. Il se traduit tout simplement par « pape », vous l’aurez compris. Et pourtant, il s’agit bien d’un titre honorifique placé en préfixe.

Le kanji 皇 et la symbolique divine

Il n’existe que trois titres honorifiques préfixés. Je vous les mets ci-dessous. Je vous mets également en rouge un kanji présent dans ces trois titres honorifiques :
太子 . コウタイシ . le prince héritier, le prince héréditaire
太子妃 . コウタイシヒ . la princesse héritière, la princesse héréditaire
. キョウコウ . le Pape
Je vous mets également les autres titres honorifiques qui contiennent ce même kanji :
. コウゴウ . l’impératrice
太后 . コウタイゴウ . l’impératrice douairière : désigne la mère ou la veuve d’un Empereur japonais
太后 . タイコウタイゴウ . la grande impératrice douairière
太后 . テンノ. l’Empereur
陛下 . テンノヘイカ . Sa Majesté l’Empereur
后陛下 .コウゴウヘイカ . Sa Majesté l’Impératrice

Attention ! Ce n’est pas le kanji de l’étoile. Le kanji de l’étoile est celui-ci () avec, en dessous, le kanji qui signifie « brut », « naturel », tandis que le kanji du divin, de l’impérial est celui-ci (). Il y a un tout petit trait au sommet et le kanji en dessous est celui du roi, . C’est tout ce qui permet de les différencier.
Je ne vais pas chercher à m’étendre sur la relation étymologique entre les deux kanji même s’il semble évident qu’ils sont très liés. Le point important à retenir est que la présence de ce kanji dans les titres témoigne du caractère divin de ceux et celles qui les portent. Car officiellement, comme nous l’avons vu au début de ce cours, cette dynastie héréditaire continue est la plus ancienne du monde ayant des liens ‘‘avérés’’ avec les dieux shintoïstes. Amaterasu, la déesse du Soleil, est présentée comme la matrice du pays du Soleil Levant et de la famille impériale japonaise puisque, selon la légende, elle a conféré à Jinmu, le premier Empereur du Japon et ancêtre de tous les autres, les insignes sacrés de la famille impériale qui se transmettent encore de nos jours d’un héritier mâle à un autre.
Le ‘‘mythe’’ de la lignée impériale japonaise est présenté au peuple japonais comme une vérité historique que peu de gens osent remettre en question. Pour nous, le plus important est que vous compreniez la présence du kanji dans les titres précités.
Il en va de même pour le Pape. Officiellement, le Pape tient son pouvoir de Dieu, par conséquent en japonais nous avons le mot 教皇 . キョウコウ.
Dans les titres désignant les rois, reines, princes et princesses occidentaux, le kanji n’est pas présent car, quand bien même les monarchies européennes ont établi leur pouvoir selon un prétendu Droit Divin, tous les souverains d’Europe devaient obligatoirement passer par le Pape pour être sacrés. Ce dernier demeurait le détenteur du pouvoir divin.

Le Point Culture

Amaterasu, la déesse du Soleil

Je fais un petit point culture sur la déesse Amaterasu. Nous avons un peu parlé d’elle dans le cours. Mais ce que je ne vous ai pas dit, c’est qu’en tant que déesse tutélaire, elle a aussi droit à sa titulature et des petits surnoms super honorifiques. Ainsi, la déesse Amaterasu n’est pas simplement appelée respectueusement 天照. あまてらすさま . Elle est aussi parfois appelée :
天照大神 . あまてらすおおかみ . La grande déesse Amaterasu
天照大御神 . あまてらすおおみかみ . La grande déesse Amaterasu (le kanji renforce le côté honorifique)
天照皇大神 . あまてらすすめおおかみ . La grande déesse impériale illuminant le ciel Amaterasu (le kanji se prononce すめ dans sa prononciation purement japonaise, l’utilisation de ce kanji signifie le lien de la déesse avec les Empereurs du Japon.)

Exprimer l’ordre de succession des Empereurs japonais

Nous avons vu comment s’exprime l’ordre de succession avec l’unité de mesure . セイ. Maintenant, vous devez savoir qu’au Japon, lorsqu’un Empereur décide de porter un nom qui a déjà été porté par un autre Empereur avant lui, nous n’utiliserons pas l’unité de mesure . セイ. Nous utiliserons en préfixe du nom le kanji dans sa prononciation sino-japonaise .
Ainsi, pour vous donner un rapide exemple, il y eut un premier Empereur qui porta comme nom posthume 白河 . しらかわ. Quelques dizaines d’années plus tard, un deuxième Empereur se retrouva à porter le même nom posthume en l’honneur de son ancêtre. Et pour rappeler ce dernier, il fut nommé 白河 .しらかわ, soit « Shirakawa II ».

Attention à la confusion

Nous l’avons vu dans ce cours. Les membres de la famille impériale n’ont pas à proprement parler de noms de famille. Pas au sens où nous l’avons appris dans un précédent cours sur le sujet. Avant que les forces américaines ne désanoblissent les 王家 . オウケ en 1947, les membres de cette famille portait en titre préfixé le nom de la maison dont ils étaient issus. Aujourd’hui, ce titre est basé uniquement sur un passage d’un des Classiques chinois. L’unique point commun est la forme .-みや exclusivement utilisée pour les préfixes des noms de princes et princesses impériales.
Attention à ne pas confondre cette forme avec de vrais noms de famille comme 錦ノ宮 . にしきみや ou encore 四宮 . しのみや. Dans ce dernier, nous avons effectivement la forme .-みや mais si la personne dénommée comme tel n’est pas membres de la famille impériale, c’est un nom de famille classique.
Dans les œuvres de fictions, les mangas et les animes, lorsque l’auteur veut montrer qu’un personnage est issu d’une classe sociale très élevée, que ce personnage descend de l’aristocratie japonaise, il arrive parfois qu’il lui attribue un nom de famille en ノ宮 .みや ou .-みや.
Dans la vraie vie, des personnes avec des noms de famille comme ceux précités existent réellement. Certaines ont une ascendance aristocratique, d’autres non.

Conclusion

Une fois encore, ce fut un immense plaisir pour moi de rédiger ce cours. Nous avons vu de nouveaux suffixes honorifiques ainsi que des titres honorifiques et des titres non-honorifiques. Nous avons aussi découvert des préfixes honorifiques et un titre honorifique posthume. Je vous donne donc un rapide rappel afin de bien différencier les cinq :
– Le suffixe honorifique se met uniquement après un nom,
– Le titre honorifique se met uniquement après un nom ou est utilisé seul,
– Le titre non-honorifique peut s’utiliser après un nom et également seul mais quand il est seul il a lui-même besoin d’un suffixe honorifique ou d’un titre honorifique,
– Le préfixe honorifique se met uniquement avant le nom de naissance d’un membre de la famille impériale ou un nom papal,
– Le titre honorifique posthume se met uniquement après le nom de l’ère japonaise qu’un Empereur a incarné de son vivant.
J’aurais aussi pu parler de la cérémonie d’intronisation de l’Empereur mais il y aurait eu énormément de choses à dire et tout résumer en quelques paragraphes sans occulter des aspects importants est impossible. Donc, si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à faire des recherches sur Internet.
Enfin, vous avez bien entendu des exercices à faire, du thème et de la version. Vous y trouverez quelques noms propres de personnalités japonaises bien connues et pas seulement des membres de la famille impériale. De plus, je ne vous l’ai pas dit mais si dans nos langues occidentales, citer une personnalité royale par son titre et son prénom est l’usage habituel, au Japon c’est considéré comme un manque de respect. Dans le premier exercice, vous aurez des phrases en français à traduire en japonais. Donc faîtes attention à la façon dont la phrase en français est formulée et de qui l’on parle dans la phrase pour traduire au mieux possible en japonais en ajoutant les préfixes et suffixes correspondants. Idem dans le deuxième exercice.
Il est temps de passer à un récapitulatif de tous les nouveaux mots que nous avons vu dans ce cours. Plus de trente mots au total. La liste comprend de nombreux mots vus dans ce cours mais aussi d’autres mots inédits.

単語. Vocabulaire

世襲親王家 . セシュウシンノウケ . la maison impériale des Princes impériaux héréditaire
世襲 . セシュウ . héréditaire
親王 . シンノウ . les princes impériaux, les parents princiers (titre honorifique)
王家 . オウケ . la maison princière
皇太子 . コウタイシ . le prince héritier, le prince héréditaire (titre honorifique préfixé)
皇太子妃 . コウタイシヒ . la princesse héritière, la princesse héréditaire (titre honorifique préfixé)
皇后 . コウゴウ . l’impératrice
. , . la maison, le foyer ; la maison impériale (suffixe)
皇室 . コウシツ . la maison impériale du Japon, la lignée Yamato
殿下 . デンカ . Sa Majesté (titre honorifique)
両陛下 . リョウヘイカ . l’Empereur et l’Impératrice (titre honorifique)
天皇陛下 . テンノウヘイカ . Sa Majesté l’Empereur (titre honorifique)
皇后陛下 . コウゴウヘイカ . Sa Majesté l’Impératrice (titre honorifique)
今上陛下 . キンジョウヘイカ . Sa Majesté régnante (titre honorifique)
国王陛下 . コクオウヘイカ . Sa Majesté le Roi (titre honorifique)
女王陛下 . ジョオウヘイカ . Sa Majesté la Reine (titre honorifique)
. しるし . l’emblème personnel
皇位 . コウイ . le trône impérial, le trône du chrysanthème
高御座 . たかみくら . le trône impérial, le trône du chrysanthème (mot super honorifique, usité lors de la cérémonie d’accession au trône d’un nouvel Empereur)
玉座 . ギョクザ . le trône (usité pour désigner un trône autre que le trône du chrysanthème)
王座 . オウザ . le trône (usité pour désigner un trône autre que le trône du chrysanthème)
王位 . オウイ . le trône (usité pour désigner un trône autre que le trône du chrysanthème)
御座 . みくら . le trône (mot super honorifique, usité pour désigner un trône autre que le trône du chrysanthème)
君主 . クンシュ . le monarque, le régent
天皇 . テンノウ . l’Empereur du Japon (nom posthume)
太上天皇 . ダイジョウテンノウ . l’Empereur émérite (titre désignant les empereurs qui ont abdiqué en faveur d’un successeur)
上皇 . ジョウコウ . l’Empereur émérite (version abrégée)
天皇万歳 . テンノウバンザイ . Vive l’Empereur ! (formule citée lors de l’intronisation de l’Empereur)
天皇誕生日 . テンノウタンジョウビ . l’anniversaire de l’Empereur
教皇 . キョウコウ . le Pape (titre honorifique préfixé)
司教 . シキョウ . l’évêque (titre non-honorifique)
大司教 . ダイシキョウ . l’archevêque (titre non-honorifique)