Nous voilà arrivé à notre cinquième cours sur les kanji. N’hésitez pas à revoir les cours précédents au cas où il y aurait encore des choses que vous n’avez pas compris.
Avant d’entamer cette nouvelle leçon, un petit rappel sur les règles de base des kanji.
1. Un kanji seul se lit en lecture purement japonaise.
2. Deux kanji ou plus se lisent en lecture sino-japonaise.
Nous avons vu plusieurs exemples de mots issus de combinaisons de kanji et se tenant à ces deux règles de base. Maintenant, nous allons voir des cas particuliers car les règles de base que nous avons vues précédemment ne vont pas toujours s’appliquer.
Avant tout, je tiens à préciser un point qui doit être bien clair pour tout le monde. Tous ces cas particuliers que nous allons voir ne sont pas des exceptions. Il n’existe pas d’exceptions en japonais. Tous ces cas particuliers suivent tous une logique et il est très important de bien comprendre comment chacun d’entre eux fonctionnent, comment sont-ils survenus dans la langue. Ils n’ont pas débarqué par hasard juste comme ça et c’est en comprenant le pourquoi du comment que vous maîtriserez bien mieux les kanji.
Il existe au total treize cas particuliers. Chacun de ces cas sera explicité et illustré par un ou plusieurs exemples.
De temps en temps, nous aurons des kanji combinés mais à la lecture purement japonaise. Pour illustrer ce cas, observez l’exemple ci-dessous :
名前
Observons de plus près les prononciations purement japonaises et sino-japonaises de ces deux kanji.
名 .
な .
メイ → nom
前 .
まえ .
ゼン → devant / avant
Bon, vous aurez deviné, ce qui est devant le nom, c’est le prénom :
名前 → prénom
Si nous suivions la règle de base des kanji, nous voudrions prononcer ce mot メイゼン mais ce ne sera pas le cas. Ce mot, nous le prononcerons なまえ.
Pourquoi ? Parce que les japonais n’ont pas attendu les kanji pour combiner des mots. Pour reprendre l’exemple de 名前 . なまえ, les japonais – je rappelle qu’ils avaient à l’époque une langue exclusivement oral – avait le mot « na » → Nom et le mot « mae » → Devant / Avant. Donc, ce qu’ils ont fait, c’est qu’ils ont combiné les deux prononciations pour créer le mot なまえ. Après tout, si « na » veut dire « le nom » et « mae » veut dire « devant / avant », alors « namae » veut dire « avant le nom » donc « le prénom ».
Ainsi, quand les japonais ont repris les idéogrammes chinois, ils ont transposé tous les mots qu’ils avaient déjà dans leur langue sur ces idéogrammes. Ainsi, sur ce kanji 名, ils ont transposé le mot な qui veut dire « le nom », et sur ce kanji 前, ils ont transposé le mot まえ. Donc :
名前 .
なまえ → prénom
Maintenant que ce premier cas de figure a été expliqué, voici quelques exemples supplémentaires avec des kanji vus précédemment.
Par exemple, si nous voulons dire « ceinture noire », nous utiliserons d’abord le kanji de « noir » que nous allons combiner avec le kanji de « ceinture » tout simplement.
黒 .
くろ .
コク → noir
帯 .
おび .
タイ → ceinture
Pour créer le mot « ceinture noire », nous allons combiner les prononciations purement japonaises de ces deux kanji car, encore une fois les mot « noir » et « ceinture » existait déjà avant l’arrivée des kanji. Donc, cela nous donne :
黒帯 .
くろおび → ceinture noire
Si nous voulons dire « oiseau aquatique, palmipède », nous utiliserons d’abord le kanji de « eau » que nous allons combiner avec le kanji de « oiseau » tout simplement.
水 .
みず .
スイ → eau
鳥 .
とり .
チョウ → oiseau
Pour créer le mot « oiseau aquatique, palmipède », nous allons combiner les prononciations purement japonaises de ces deux kanji.
水鳥 .
みずとり → oiseau aquatique, palmipède
Si nous voulons dire « dune », nous utiliserons d’abord le kanji de « sable » que nous allons combiner avec le kanji de « montagne » tout simplement.
砂 .
すな .
サ → sable
山 .
やま .
ザン → montagne
Pour créer le mot « dune », nous allons combiner les prononciations purement japonaises de ces deux kanji.
砂山 .
すなやま → dune
Si nous voulons dire « potion ; médicament liquide », nous utiliserons d’abord le kanji de « eau » que nous allons combiner avec le kanji de « médicament » tout simplement.
水 .
みず .
スイ → eau
薬 .
くすり .
ヤク → médicament
Pour créer le mot « potion ; médicament liquide », nous allons combiner les prononciations purement japonaises de ces deux kanji.
水薬 .
みずぐすり → potion ; médicament liquide
Notez que le く de くすり devient ぐ.
Si nous voulons dire « cerisier des montagne », nous utiliserons d’abord le kanji de « montagne » que nous allons combiner avec le kanji de « cerisier » tout simplement.
山 .
やま .
サン → montagne
桜 .
さくら .
シ → cerisier
Pour créer le mot « cerisier des montagne », nous allons combiner les prononciations purement japonaises de ces deux kanji.
山桜 .
やまざくら → cerisier des montagnes
Notez que le さ de さくら devient ざ.
Nous pouvons aussi nous retrouver face à certains cas particuliers avec une prononciation qui sort des règles établies précédemment. Je vous donne un exemple pour que vous compreniez mieux.
Si nous voulons dire « Dieu de la Mort », nous utiliserons d’abord le kanji de « Mort » que nous allons combiner avec le kanji de « dieu, divinité » tout simplement.
死 .
しぬ .
シ → Mort
神 .
かみ .
シン → dieu, divinité
Pour créer le mot « Dieu de la Mort », nous allons combiner les prononciations purement japonaises de ces deux kanji. Qu’allons-nous faire ici ? Allons-nous combiner les prononciations purement japonaises ? Ou les prononciations sino-japonaises ? Eh bien, observez le mot « Dieu de la Mort » ci-dessous.
死神 .
しにがみ → dieu de la Mort
Nous avons bien le し, prononciation purement japonaise du premier kanji. Nous avons aussi le か de かみ qui devient が. Et puis le に dans しにがみ, d’où est-ce qu’il sort ce に. Il vient en fait de しぬ, qui est un verbe. C’est le verbe « mourir ». Et le ぬ de しぬ devient に dans le mot 死神 . しにがみ.
C’est très rare mais cela arrive. Voici une petite chose peu commune mais c’est ainsi que ce mot s’est construit. À retenir par cœur donc.
De temps en temps, nous aurons des kanji combinés et qui se liront en purement japonais puisque nous aurons un préfixe. Le principe est le même que le cas de figure précédent avec une toute petite différence. Voici un exemple pour illustrer ce cas.
小鳥 → petit oiseau / oisillon
Observons de plus près les prononciations purement japonaise et sino-japonaise de ces deux kanji.
小 .
ちい (さい) / こ .
ショウ → petit
鳥 .
とり .
チョウ → oiseau
Ainsi, nous ne prononcerons pas ce mot ショウチョウ mais ことり. Car le kanji 小 est en préfixe donc il se prononcera こ. Il existe d’autres kanji qui peuvent être utilisés comme préfixe dans bon nombre de mots, ce que nous verrons petit à petit, notamment dans les listes de vocabulaire. Encore une fois, le mot 小鳥. ことり existait déjà avant l’arrivée des kanji, ce qui explique la prononciation purement japonaise.
Maintenant que ce deuxième cas de figure a été expliqué, voici quelques exemples supplémentaires avec des kanji vus précédemment.
Par exemple, si nous voulons dire « petite montagne, colline, monticule », nous utiliserons d’abord le kanji de « petit » que nous allons combiner avec le kanji de « montagne » tout simplement.
小 .
ちい (さい) / こ .
ショウ → petit
山 .
やま .
サン → montagne
Pour créer le mot « petite montagne, colline, monticule », nous allons combiner les prononciations purement japonaises de ces deux kanji sachant que le kanji 小 se place en suffixe. Donc, cela nous donne :
小山 . こやま → petite montagne, colline, monticule
Si nous voulons dire « agneau », nous utiliserons d’abord le kanji de « petit » que nous allons combiner avec le kanji de « mouton » tout simplement.
小 .
ちい (さい) / こ .
ショウ → petit
羊 .
ひつじ .
ヨウ → mouton
Pour créer le mot « agneau », nous allons combiner les prononciations purement japonaises de ces deux kanji sachant que le kanji 小 se place en suffixe. Donc, cela nous donne :
小羊 .
こひつじ → agneau
Si nous voulons dire « chaton », nous utiliserons d’abord le kanji de « petit » que nous allons combiner avec le kanji de « chat » tout simplement.
小 .
ちい (さい) / こ .
ショウ → petit
猫 .
ねこ .
ビョウ, ボウ, ミョウ → chat
Pour créer le mot « chaton », nous allons combiner les prononciations purement japonaises de ces deux kanji sachant que le kanji 小 se place en suffixe. Donc, cela nous donne :
小猫 .
こねこ → chaton
Si nous voulons dire « éléphanteau », nous utiliserons d’abord le kanji de « petit » que nous allons combiner avec le kanji de « éléphant » tout simplement.
小 .
ちい (さい) / こ .
ショウ → petit
象 .
かたどる .
ショウ, ゾウ → éléphant
Pour créer le mot « éléphanteau », nous allons combiner les prononciations purement japonaises de ces deux kanji sachant que le kanji 小 se place en suffixe. Donc, cela nous donne :
小象 .
こぞう → éléphanteau
Si nous voulons dire « chiot », nous utiliserons d’abord le kanji de « petit » que nous allons combiner avec le kanji de « chien » tout simplement.
小 .
ちい (さい) / こ .
ショウ → petit
犬 .
いぬ .
ケン → chien
Pour créer le mot « chiot », nous allons combiner les prononciations purement japonaises de ces deux kanji sachant que le kanji 小 se place en suffixe. Donc, cela nous donne :
小犬 .
こいぬ → chiot
Si nous voulons dire « faon », nous utiliserons d’abord le kanji de « petit » que nous allons combiner avec le kanji de « cerf, biche » tout simplement.
小 .
ちい (さい) / こ .
ショウ → petit
鹿 .
しか / か .
ロク → cerf, biche
Pour créer le mot « faon », nous allons combiner les prononciations purement japonaises de ces deux kanji sachant que le kanji 小 se place en suffixe. Donc, cela nous donne :
小鹿 .
こじか → faon
Notez que le し de しか devient じ.
Si nous voulons dire « ourson », nous utiliserons d’abord le kanji de « petit » que nous allons combiner avec le kanji de « ours » tout simplement.
小 .
ちい (さい) / こ .
ショウ → petit
熊 .
くま.
ユウ → ours
Pour créer le mot « ourson », nous allons combiner les prononciations purement japonaises de ces deux kanji sachant que le kanji 小 se place en suffixe. Donc, cela nous donne :
小鹿 .
こぐま → ourson
Notez que le く de くま devient ぐ.
Si nous voulons dire « îlot », nous utiliserons d’abord le kanji de « petit » que nous allons combiner avec le kanji de « île » tout simplement.
小 .
ちい (さい) / こ .
ショウ → petit
島 .
しま.
トウ → île
Pour créer le mot « îlot », nous allons combiner les prononciations purement japonaises de ces deux kanji sachant que le kanji 小 se place en suffixe. Donc, cela nous donne :
小島 .
こじま → îlot
Notez que le し de しま devient じ.
De temps en temps, nous rencontrerons des kanji seuls mais avec une lecture qui semblera assez inhabituelle comme s’il y avait deux lectures purement japonaises dans un seul kanji. Voici un exemple pour illustrer ce cas :
庭 .
にわテイ → jardin
鳥 .
とりチョウ → oiseau
Observez bien les prononciations purement japonaises de ces deux kanji. Les japonais, bien avant l’arrivée des kanji, ont décidé de créer le mot にわとり qui signifie littéralement « un oiseau de jardin » donc « une poule ».
Quand les kanji sont arrivés, plutôt que de combiner les kanji 庭 et 鳥, les japonais ont repris l’idéogramme chinois de « poule », car il existait déjà en chinois un idéogramme pour dire « poule ». Le voici : 鶏. Les japonais ont donc décidé d’appliquer la prononciation にわとり sur ce kanji, 鶏. にわとり est donc la seule écriture en kanji pour dire « poule ». L’écriture 庭鳥 est fausse !
De temps en temps, nous aurons des kanji seuls mais avec une lecture sino-japonaise. Alors, je sais que la règle de base stipule bel et bien qu’un kanji seul se lit en lecture purement japonaise… et pourtant, ce ne sera pas toujours le cas. Cela s’explique par le fait que, quand les japonais ont récupéré les idéogrammes chinois, ils n’avaient pas un mot dans leur propre langue pour chacun de ces kanji qu’ils ont récupéré.
Par exemple, le mot « livre ». À l’époque où les japonais n’avaient encore qu’une langue parlée, et donc qui se transmettait exclusivement de manière orale, vous pensez bien qu’ils n’avaient pas d’écriture, et donc pas de livres, donc, bien évidemment, ils n’avaient pas de mot pour dire « livre ». Mais alors comment les japonais ont-ils fait pour créer le mot « livre » ? Ils ont tout simplement repris la prononciation sino-japonaise du kanji « livre » quand ils ont récupéré les kanji.
Ainsi, le kanji du livre, 本, se prononce ホン.
Ce cas de figure est assez fréquent. Retenez également que les prononciations sino-japonaises des kanji s’inscrivant dans ce cas de figure auront tendance à être utilisé comme des lectures sino-japonaise. Nous verrons davantage d’exemples de mots incluant ce kanji, bien plus tard dans les cours à venir.
Retenez également que ce même kanji, en prononciation purement japonaise cette fois, se prononce もと, ce qui signifie « l’origine ».
本 .
もとホン → origine / livre
Par moment, nous allons mélanger les lectures purement japonaises et sino-japonaise. Cela arrive assez rarement mais dans des mots tout de même assez courants en général. Voyez tout de suite l’exemple ci-dessous :
風呂場 → la salle de bain
Comment vais-je prononcer ce mot ? Pour le savoir, observons les prononciations purement japonaises et sino-japonaises respectives des trois kanji qui composent ce mot.
風 .
かぜ .
フウ, フ → le vent
呂 .
せぼね .
ロ → la colonne
場 .
ば .
ジョウ → le lieu
Pour créer le mot « salle de bain », nous allons combiner la prononciation sino-japonaise du premier kanji avec la prononciation sino-japonaise du deuxième kanji avec la prononciation purement japonaise du troisième kanji. Vous me suivez toujours ? Regardons ci-dessous ce que cela donne.
風呂場 .
フロば → la salle de bain
Pourquoi un tel arrangement ? Tout simplement parce que les japonais n’avaient pas toujours ce qu’il fallait de prononciation purement japonaise et sino-japonaise. Donc, pour certains mots, ils ont combiné un peu les deux.
Ci-dessous, je vous donne un autre exemple.
本棚 → la bibliothèque (le meuble)
Comment vais-je prononcer ce mot ? Pour le savoir, observons les prononciations purement japonaises et sino-japonaises respectives des deux kanji qui composent ce mot.
本 .
もと.
ホン → l’origine / le livre
棚 .
たな.
ホウ → l’étagère
Pour créer le mot « la bibliothèque », nous allons combiner la prononciation sino-japonaise du premier kanji avec la prononciation purement japonaise du deuxième kanji. Cela nous donne :
本棚 .
ホンだな → la bibliothèque (le meuble)
Notez que le た de たな devient だ.
Très fréquemment, nous allons utiliser un mot étranger comme terme sino-japonais. Ce cas de figure est très souvent utilisé pour les noms de nationalité ou les noms de langues par exemple. Ci-dessous, un exemple :
フランス → France
Le mot « France » s’écrit en katakana car c’est un mot étranger. Aucun souci jusque-là. Maintenant si nous voulons dire « un français », nous allons combiner le nom du pays avec le kanji de « personne » avec sa prononciation sino-japonaise. Pour rappel, ci-dessous le kanji de « personne ».
ひと .
ジン → personne
Si nous combinons le mot フランス avec le kanji de 人 en prononciation sino-japonaise, cela nous donne :
フランス人 .
フランスジン → un français / une française
Ci-dessous d’autres exemples :
スペイン人 .
スペインジン → un espagnol / une espagnole
ポルトガル人 .
ポルトガルジン → un portugais / une portugaise
タイ人 .
タイジン → un thaïlandais / une thaïlandaise
ドイツ人 .
ドイツジン → un allemand / une allemande
イタリア人 .
イタリアジン → un italien / une italienne
アメリカ人 .
アメリカジン → un américain / une américaine
オーストラリア人 .
オーストラリアジン → un australien / une australienne
Tous les noms de pays utilisé pour les exemples ci-dessus sont katakanisé via leur traduction anglaise comme c’est quasiment toujours le cas.
Maintenant si nous voulons dire « un japonais » ou « une japonaise », nous allons utiliser le mot 日本 en prononciation sino-japonaise ニホン et le kanji de 人 également en prononciation sino-japonaise ジン. Cela nous donne :
日本人 .
ニホンジン → un japonais / une japonaise
N’oubliez pas – si je vous l’ai déjà dit – que les chinois appelaient le pays du Japon ニホン. Les japonais ont repris ce terme en même temps que les kanji. En y collant en suffixe la prononciation sino-japonaise de 人. ジン, cela nous donne « un japonais ». Ce mot peut s’écrire en kanji mais reste à la base un mot étranger.
Maintenant si nous voulons dire « la langue française / le français », « la langue italienne / l’italien »… Eh bien, nous allons faire la même chose que précédemment en utilisant cette fois le kanji de 語.
語 .
ご .
ギョ → la langue (parlée)
Maintenant, les exemples :
フランス語 .
フランスご → la langue française / le français
スペイン語 .
スペインご → le castillan / l’espagnol
ポルトガル語 .
ポルトガルご → la langue portugaise, le portugais
タイ語 .
タイご → le thaïlandais
ドイツ語 .
ドイツご → la langue allemande / l’allemand
イタリア語 .
イタリアご → la langue italienne / l’italien
Et puisque nous abordons ce cas particulier, est-ce vous vous souvenez du terme « rōmaji » ? Le principe est exactement le même, voilà ci-dessous comment il s’écrit :
ローマ字 .
ローマじ → caractère latin, rōmaji
Nous verrons bien plus tard lorsque nous aborderons la grammaire, notamment les verbes et les adjectifs, que les mots étrangers – principalement anglais – s’utiliseront exactement de la même manière que les termes sino-japonais. Retenez simplement cela dans un coin de votre tête, cela vous sera utile le moment venu.
Par moment, des kanji sont combinés avec des répétitions. Cela veut dire que nous allons parfois mettre deux fois le même kanji côte à côte.
Par exemple, si nous prenons le kanji 時 en lecture purement japonaise, cela nous donne :
時 .
とき → le temps
Nous le combinons avec le même kanji et cette combinaison se traduira par « de temps en temps ».
時時 .
ときどき → de temps en temps
Notez que le と devient ど.
Mais, à l’écriture, plutôt que d’écrire deux fois de suite le même kanji, nous allons utiliser le symbole de la répétition qui sert à indiquer que le kanji 時 est répété.
時々 .
ときどき → de temps en temps
Nous pouvons aussi avoir deux kanji qui se répètent en lecture sino-japonaise. Par exemple :
少 .
ショウ → un peu
Si nous répétons ce même kanji, cela nous donne :
少々 .
ショウショウ → un tout petit peu
Voilà ! Nous pouvons avoir des kanji à répétition qui, selon les cas, peuvent se lire en lecture purement japonaise ou sino-japonaise.
Parfois, des kanji différents ont la même lecture purement japonaise et le même sens… à différents degrés. Pour vous donner un exemple, nous allons prendre le mot « bleu ». Bien avant l’arrivée des kanji, le mot « bleu » se prononçait « ao ». Aujourd’hui, nous avons quatre kanji qui se prononcent « ao », qui veulent effectivement dire « bleu », mais selon l’écriture du kanji, exprimeront des nuances de bleu différentes. Bien entendu, vous comprendrez bien que ces nuances, hors contexte, ne sont donc pas perceptibles à l’oral.
Voyons ces kanji :
青 . あお → bleu, vert
蒼 . あお → bleu sombre
碧 . あお → bleu verdâtre
藍 . あお → bleu indigo
Comme vous pouvez le voir, ces kanji se prononcent exactement de la même manière mais s’écrivent différemment et ont un sens légèrement différent comme dit plus haut.
Pour mieux comprendre, il faut savoir que le Japon fait partie des nombreux pays comme la Chine et l’Inde ne différenciant pas au début de leur histoire le bleu du vert. Ainsi, pour les japonais, le ciel et la végétation avait tous deux la même couleur et se prononçaient donc あお.
Pour la plupart d’entre vous, cela peut paraître étrange mais il faut bien garder en tête que les couleurs sont liées à la représentation du monde de chaque culture. Et nous sommes tous différents et percevons donc le monde différemment.
Par moment, nous avons des kanji combinés mais à lecture purement japonaise particulière. Pour que vous compreniez mieux, un exemple :
青
Nous avons le kanji de 大 (grand) et le kanji de 人 (personne). Les deux combinés ensemble nous donne le mot « adulte ».
大人 → adulte
Mais comment allons-nous le prononcer ce mot ? Observons les lectures purement japonaises et sino-japonaises respectives à ces deux kanji :
大 .
おお .
ダイ → grand
人 .
ひと .
ジン → personne
Logiquement, nous pourrions peut-être prononcer le mot adulte soit en utilisant la prononciation purement japonaise de chacun des deux kanji, soit leurs prononciations sino-japonaises. Et pourtant ce ne sera pas le cas. Alors allons-nous mélanger une prononciation sino-japonaise et une prononciation purement japonaise ? Non plus !
Encore une fois, les japonais, bien avant l’arrivée des kanji, possédaient déjà un mot pour dire « adulte » et qui est おとな. Lorsqu’ils ont récupéré les kanji, ils se sont rendus compte qu’il n’y avait pas de kanji pour « adulte », et pour résoudre ce pépin, ils ont associé l’idée de « grand » et de « personne », puis ont appliqué leur prononciation purement japonaise sur cette combinaison toute faite. Ainsi :
大人 .
おとな → adulte
Pour ceux et celles d’entre vous qui veulent pousser beaucoup plus loin, sachez que ce cas particulier dont nous venons de parler porte un nom en japonais. On l’appelle 熟字訓 . ジュクジクン.
Il consiste à associer une lecture purement japonaise à une combinaison figée de plusieurs kanji plutôt qu’à un seul kanji, et dont la prononciation n’est pas déductible de chaque kanji – c’est-à-dire qu’elle ne correspond ni à la prononciation purement japonaise, ni à la prononciation sino-japonaise de chaque kanji –.
Voici une petite liste de mots s’inscrivant dans ce cas particulier (en plus de celui que nous venons de voir) :
大人 .
おとな → adulte
昨日 .
きのう → hier
明日 .
あした → demain
小豆 .
あずき → haricot rouge
紅葉 .
もみじ → érable
Le dixième cas particulier concerne ce que l’on appelle les 当て字 . あてじ. Il s’agit de mots composés de plusieurs kanji à la lecture japonaise purement phonétique. C’est-à-dire que les japonais ont créés des mots en se basant exclusivement sur la phonétique des kanji sans prêter une attention très rigoureuse au sens individuel des kanji combinés. L’exemple le plus pertinent – surtout qu’il est très souvent utilisé – est le verbe « pouvoir faire ». Alors, oui ! « Pouvoir faire » est un verbe et voici comment il s’écrit en japonais.
出来る .
できる → pouvoir faire
Le kanji 出 correspond au verbe でる qui veut dire « sortir ». Et le kanji 来 correspond au verbe くる qui veut dire « venir ». Toutefois, dans une certaine forme, nous verrons plus tard qu’il peut se prononcer き.
Comme vous pouvez le constater, les japonais ont pris des phonétiques propres à chaque kanji pour créer un mot – ici, plus exactement un verbe – qui n’a absolument rien à voir avec le sens individuel des kanji combinés.
Il faut savoir que cette pratique est de moins en moins courante. Le verbe 出来る . できる est d’ailleurs de plus en plus souvent écrit en hiragana pour éviter toute confusion.
Pour vous citer un autre exemple de 当て字 . あてじ assez récent, bien que très peu utilisé également, nous avons le mot 倶楽部 . くらぶ qui signifie « club » tout simplement. Encore une fois, les kanji ont été choisis exclusivement pour leur phonétique et le sens propre à chacun d’entre eux n’a strictement aucun rapport avec le mot « club ». Dans 99% des cas, ce mot, étranger à la base et issu de l’anglais, sera écrit en katakana comme ceci : クラブ.
Il existe bien d’autres 当て字 . あてじ que je vous cite ci-dessous en plus de ceux que nous venons de voir.
出来る .
できる → pouvoir faire
倶楽部 .
くらぶ → club
沢山 .
たくさん → beaucoup
多分 .
たぶん → peut-être, probablement
Les deux derniers sont des adverbes que nous étudierons bien plus tard.
Parfois, nous aurons deux écritures pour un même mot. Ci-dessous, un exemple avec le mot « œuf » en japonais :
卵 .
たまご → œuf
Maintenant, posons-nous la question de savoir comment fut créé le mot « œuf » en japonais. Avant l’arrivée des kanji, les japonais avaient donc déjà une langue parlée avec du vocabulaire, et ils avaient déjà créé le mot « œuf » en associant l’idée de « sphère » et de « enfant ». « Sphère » se dit たま et « enfant » se dit こ, donc cela nous donne たまご. Quand les japonais ont récupéré les idéogrammes chinois, ils ont donc récupéré l’idéogramme de « œuf » d’une part, et les idéogrammes de « sphère » et « enfant » d’autre part. Donc, nous avons deux écritures possibles pour exprimer la même chose :
卵 .
たまご → œuf
玉子 .
たまご → œuf
Vous souvenez-vous de l’histoire du « jardin » et de la « poule » ? Nous avions un kanji pour dire « poule », 鶏, et nous avions une combinaison de kanji, 庭鳥, considéré comme fausse parce que… les japonais en ont décidé ainsi.
Eh bien, dans le cas de l’œuf, les deux écritures sont possibles… parce qu’ils en ont décidé ainsi. Toutefois, il semble que le kanji 卵 soit l’écriture la plus fréquente pour dire « œuf ».
Enfin, l’avant-dernier cas particulier, nous y sommes presque. Ce cas de figure est sans doute le plus rare de tous et je n’ai trouvé que deux exemples pour l’illustrer.
Certaines combinaisons de kanji, très rares, ont une prononciation purement japonaise signifiant une chose et une prononciation sino-japonaise signifiant autre chose de complètement différent. En guise d’exemple, observons tout d’abord les deux kanji ci-dessous :
海 .
うみ .
カイ → mer
牛 .
うし .
ギュウ → vache
Si nous les combinons, voici ce que nous obtenons :
海牛 .
うみうし .
カイギュウ
La prononciation purement japonaise うみうし signifie « limace de mer » et la prononciation sino-japonaise カイギュウ signifie « lamantin ». Comme vous pouvez le constater, ce sont deux choses qui n’ont absolument rien à voir et pourtant nous utiliserons la même écriture en kanji.
Le deuxième exemple est le suivant :
紅 .
くれない / べに / あかい / もみ .
コウ → rouge vif, cramoisi
葉 .
は .
ショウ / ヨウ → feuille
Si nous les combinons, voici ce que nous obtenons :
紅葉 .
もみじ .
コウヨウ
La prononciation purement japonaise もみじ signifie « érable » et la prononciation sino-japonaise コウヨウ signifie « feuilles rouges / jaune, feuilles d’automne ». Encore une fois, ce sont deux choses qui n’ont absolument rien à voir et pourtant nous utiliserons la même écriture en kanji.
Enfin, le dernier cas particulier. Le plus simple.
Le mot « hiragana » s’écrit de moins en moins en kanji et de plus en plus en hiragana, et le mot « katakana » s’écrit de moins en moins en kanji et de plus en plus en katakana.
平仮名 → ひらがな
片仮名 → カタカナ
Maintenant, je vais vous parler des kokuji. Voici comment cela s’écrit : 国字 . コクジ. Les kokuji sont des idéogrammes d’origine japonaise.
Pour rappel, nous l’avons vu un peu plus tôt dans cette saison, les kanji sont d’origine chinoise. En toute logique, un kanji a donc TOUJOURS au moins une prononciation sino-japonaise. Un kanji d’origine chinoise n’a donc JAMAIS UNIQUEMENT des prononciations purement japonaises.
Et puis, vous avez les kokuji. Les kokuji sont des kanji créés puis diffusés au Japon, par opposition à la plupart des kanjis qui trouvent leurs origines dans les textes venus de Chine. Kokuji signifie littéralement « caractère national ». Les kokuji ont commencé à être créés au 8ème siècle. La production a été active jusqu’à la fin du 19ème siècle et de nombreux caractères ont été créés pendant l’ère Meiji pour transcrire de nouveaux concepts scientifiques. La plupart n’ont pas de prononciations sino-japonaises. Ces caractères locaux sont principalement formés par la composition d’éléments de caractère, mais en formant une combinaison qui n’existe pas en chinois. La production de caractères locaux s’est étendue dans tous les pays utilisant le système d’écriture chinois. Ces caractères locaux sont moins fréquents en Corée qu’au Japon par exemple. D’ailleurs, les chinois ont emprunté la plupart des kokuji inventés donc par les japonais.
La plupart des professeurs de japonais ne parlent jamais des kokuji à leurs élèves et il y a plusieurs raisons à cela. La première est que les kokuji sont rares dans la langue japonaise, il y en a un peu plus d’une centaine et seulement un peu plus d’une dizaine sont couramment utilisés. Les autres sont utilisés pour désigner des animaux bien spécifiques ou des concepts scientifiques plutôt complexes. La deuxième est que la plupart de ces idéogrammes ayant également une prononciation sino-japonaise ; vraisemblablement dû aux chinois qui ont emprunté les kokuji et ont créés leurs propres prononciations pour ces nouveaux caractères, prononciations par la suite empruntées et réadaptées par les japonais eux-mêmes pour ces mêmes caractères qu’ils avaient eux-mêmes créés ; bon nombre de kokuji se confondent facilement avec les kanji. Ah, les joies de l’Histoire des langues !
Beaucoup de personnes parlent des kokuji comme étant des kanji d’origine japonaise mais d’autres personnes vous diront que cela est inexact et qu’il est davantage correct de parler d’idéogrammes d’origine japonaise. Étymologiquement, kokuji signifie « caractère national », et puisque ces idéogrammes ont été créés au Japon, ils sont donc d’origine japonaise… quand bien même ils ont été créés à partir de caractères chinois… mais par des japonais ! Vous avez mal à la tête ? Ce n’est pas grave. Vous comprenez maintenant pourquoi j’ai choisi de parler des kokuji à part du reste du cours.
Maintenant, en guise d’exemple, voici cinq kokuji parmi ceux que vous êtes les plus susceptible de rencontrer. Tous n’ont aucune prononciation sino-japonaise, seulement au moins une prononciation purement japonaise :
笹 .
ささ → bambou nain
畑 .
はたけ → champs
凧 .
たこ → cerf-volant
匂 .
にお → odeur
榊 .
さかき → arbre sacré Shinto
Si vous prêtez attention au dernier exemple (榊), vous remarquerez que le kanji est composé de la combinaison de 木 (arbre) et de 神 (divin, spirituel), signifiant littéralement « arbre transcendant / arbre divin ». D’ailleurs, nous avons déjà le mot 神木 . シンボク. Celui-ci est beaucoup plus utilisé que 榊 . さかき.
J’ai maintenant fini de vous parler des kokuji. Sachez qu’à partir de maintenant, je n’utiliserai plus ce mot. Tous les idéogrammes que je vous donnerai à apprendre seront désignés comme étant des kanji.
Voilà pour ce cours. Celui-ci était quand même particulièrement long mais vous êtes désormais calé sur les cas particuliers de kanji. Vous n’avez plus de raison d’être surpris si vous croisez des mots, des combinaisons qui vous paraissent un peu bizarres. Et comme d’habitude, n’hésitez pas à relire le cours de temps en temps pour vous rafraîchir la mémoire.
Il existe un tout dernier cas particulier que nous verrons plus tard, celui des noms propres japonais, auquel j’ai consacré un cours entier à part.
Mais avant, le prochain cours qui vous attend porte sur du vocabulaire mettant en avant quelques cas particuliers que vous venez d’étudier.
Introduction