SAISON UN - BRYAN MANGIN

Les deux lectures des kanji

Introduction

Maintenant que nous avons vu l’utilisation des hiragana et des katakana, il est grand temps de passer aux kanji. Commençons sans plus attendre avec la première leçon : les deux lectures des kanji. Mais pour mieux comprendre cette histoire de deux lectures des kanji, laissez-moi vous raconter l’histoire de l’origine des kanji.

L’histoire des kanji

À l’origine, la langue japonaise n’était qu’une langue parlée et ne possédait aucun support écrit. Les japonais possédaient des mots simples pour décrire des éléments de la vie de tous les jours.
Par exemple :
– La montagne se dit « Yama »
– L’oiseau se dit « Tori »
– Le feu se dit « Hi »
– L’eau se dit « Mizu »
– Le médicament se dit « Kusuri »
– Le mouton se dit « Hitsuji »
– Le renard se dit « Kitsune »
– L’île se dit « Shima »
– Le blanc se dit « Shiro »
– Le noir se dit « Kuro »
– Le vert se dit « Midori »
– Le thé se dit « Cha »(imaginez un « t » au début du mot)
– La ceinture se dit « Obi »
– Le poil se dit « Ke »
– Le dieu / la divinité se dit « Kami »
– L’histoire, la discussion se dit « Hanashi »
– L’arbre se dit « Ki »
– Le cerisier se dit « Sakura »
– Le fil se dit « Ito »
– Etc...

À cette époque, l’empire chinois possédait déjà pour sa langue son propre système d’écriture basé sur des idéogrammes, système d’écriture que les japonais vont reprendre au 4ème siècle après J-C afin de l’adapter à leur langue à eux.
Comme le nom de ce système d’écriture l’indique, les idéogrammes sont des symboles qui représentent sous forme d’images, de petits dessins, des idées. Il peut s’agir de quelque chose de physique comme une montagne, une maison, un arbre, une fleur, les couleurs… Ou encore un concept plus abstrait comme le courage, la lâcheté, la peur, le bonheur…
Les japonais, possédant déjà une langue parlée, ont appliqué leurs prononciations sur les idéogrammes chinois.
Ainsi :
– « Montagne » s’écrivit et se prononça donc « Yama »
– « Oiseau » s’écrivit et se prononça donc « Tori »
– « Feu » s’écrivit et se prononça donc « Hi »
– « Eau » s’écrivit et se prononça donc « Mizu »
– « Médicament » s’écrivit et se prononça donc « Kusuri »
– « Mouton » s’écrivit et se prononça donc « Hitsuji »
– « Renard » s’écrivit et se prononça donc « Kitsune »
– « Île » s’écrivit et se prononça donc « Shima »
– « Blanc » s’écrivit et se prononça donc « Shiro »
– « Noir » s’écrivit et se prononça donc « Kuro »
– « Vert » s’écrivit et se prononça donc « Midori »
– « Thé » s’écrivit et se prononça donc « Cha »
– « Ceinture » s’écrivit et se prononça donc « Obi »
– « Poil » s’écrivit et se prononça donc « Ke »
– « Dieu, divinité » s’écrivit et se prononça donc « Kami »
– « Histoire, discussion » s’écrivit et se prononça donc « Hanashi »
– « Arbre » s’écrivit et se prononça donc « Ki »
– « Cerisier » s’écrivit et se prononça donc « Sakura »
– « Fil » s’écrivit et se prononça donc « Ito »
– Etc...

Pour écrire phonétiquement la langue japonaise, les japonais ont inventé les hiragana qui sont des simplifications de kanji.
Les japonais ont donc inventé les hiragana pour écrire non pas avec des idéogrammes mais phonétiquement, par syllabe, la langue qui était déjà la leur.
Ainsi :
– « Montagne » s’écrivit en kanji et en hiragana « やま »
– « Oiseau » s’écrivit en kanji et en hiragana « とり »
– « Feu » s’écrivit en kanji et en hiragana « »
– « Eau » s’écrivit en kanji et en hiragana « みず »
– « Médicament » s’écrivit en kanji et en hiragana « くすり »
– « Mouton » s’écrivit en kanji et en hiragana « ひつじ »
– « Renard » s’écrivit en kanji et en hiragana « きつね »
– « Île » s’écrivit en kanji et en hiragana « しま »
– « Blanc » s’écrivit en kanji et en hiragana « しろ »
– « Noir » s’écrivit en kanji et en hiragana « くろ »
– « Vert » s’écrivit en kanji et en hiragana « みどり »
– « Thé » s’écrivit en kanji et en hiragana « ちゃ »
– « Ceinture » s’écrivit en kanji et en hiragana « おび »
– « Poil » s’écrivit en kanji et en hiragana « »
– « Dieu, divinité » s’écrivit en kanji et en hiragana « かみ »
– « Histoire, discussion » s’écrivit en kanji et en hiragana « はなし »
– « Arbre » s’écrivit en kanji et en hiragana « »
– « Cerisier » s’écrivit en kanji et en hiragana « さくら »
– « Fil » s’écrivit en kanji et en hiragana « いと »
– Etc...

Mais tous ces idéogrammes, ils avaient déjà une prononciation d’origine chinoise. Eh bien, les japonais ont également repris la prononciation chinoise des idéogrammes. Et pour retranscrire les sons chinois, étrangers et inhabituels pour les japonais, ces derniers ont inventé les katakana.
La première langue étrangère donc pour laquelle les katakana ont été inventé, ce n’est pas l’anglais, ni le français, ni le castillan… c’est le chinois.
Nous nous retrouvons donc avec deux lectures différentes pour chaque kanji, la première s’écrivant en hiragana est la lecture purement japonaise, la seconde que je vais rédiger ci-dessous dans la liste est la lecture sino-japonaise (« sino » pour chinois).
La prononciation sino-japonaise est la prononciation issue de la langue chinoise et que les japonais ont adapté à leur prononciation à eux.
Retenez que nous écrivons les lectures purement japonaises en hiragana et les lectures sino-japonaise en katakana.
Pour votre culture générale, sachez que les lectures purement japonaises sont appelées « kon yomi » et les lectures sino-japonaises sont appelées « on yomi ». Toutefois, je n’emploierai jamais ces termes dans mes cours. Je parlerai toujours de lectures purement japonaises et de lectures sino-japonaises pour plus de simplicité. Vous pouvez apprendre ces termes si cela vous fait plaisir.
Nous reprenons donc notre liste de mots pour y rajouter la prononciation tirée du chinois :
« Montagne »,
– en kanji ,
– en purement japonais やま,
– en sino-japonais サン
« Oiseau »,
– en kanji ,
– en purement japonais とり,
– en sino-japonais チョウ
« Feu »,
– en kanji ,
– en purement japonais ,
– en sino-japonais
« Eau »,
– en kanji ,
– en purement japonais みず,
– en sino-japonais スイ
« Médicament »,
– en kanji ,
– en purement japonais くすり,
– en sino-japonais ヤク
« Mouton »,
– en kanji ,
– en purement japonais ひつじ,
– en sino-japonais ヨウ
« Renard »,
– en kanji ,
– en purement japonais きつね,
– en sino-japonais
« Île »,
– en kanji ,
– en purement japonais しま,
– en sino-japonais トウ
« Blanc, Blanche »,
– en kanji ,
– en purement japonais しろ,
– en sino-japonais ハク
« Noir »,
– en kanji ,
– en purement japonais くろ,
– en sino-japonais コク
« Vert »,
– en kanji ,
– en purement japonais みどり,
– en sino-japonais リョク
« Thé »,
– en kanji ,
– en sino-japonais チャ et
« Ceinture »,
– en kanji ,
– en purement japonais おび,
– en sino-japonais タイ
« Poil »,
– en kanji ,
– en purement japonais ,
– en sino-japonais モウ
« Dieu, divinité »,
– en kanji ,
– en purement japonais かみ,
– en sino-japonais シン
« Histoire, conversation »,
– en kanji ,
– en purement japonais はなし,
– en sino-japonais et カイ
« Arbre »,
– en kanji ,
– en purement japonais ,
– en sino-japonais ボク et モク
« Cerisier »,
– en kanji ,
– en purement japonais さくら,
– en sino-japonais オウ
« Fil »,
– en kanji ,
– en purement japonais いと,
– en sino-japonais

Au final

Donc, récapitulons :
– Les kanji sont des idéogrammes d’origine chinoise.
– Ils ont une lecture purement japonaise rédigée en hiragana.
– Ils ont une lecture sino-japonaise rédigée en katakana.
– En combinant ces kanji entre eux, nous pouvons créer de nouveaux mots !
Note : vous aurez remarqué que certains kanji ont plus d’une prononciation sino-japonaise. C’est tout à fait possible et nous verrons cela plus en détail un peu plus tard.

Par exemple :
Avec le kanji de « blanc » et le kanji de « oiseau », nous pouvons créer le mot « cygne ».
. しろ . ハク + . とり . チョウ - 白鳥

Avec le kanji de « noir » et le kanji de « ceinture », nous pouvons créer le mot « ceinture noire ».
. くろ . コク + . おび . タイ - 黒帯

Avec le kanji de « mouton » et le kanji de « poil », nous pouvons créer le mot « laine ».
. ひつじ . ヨウ + .. モウ - 羊毛

Avec le kanji de « feu » et le kanji de « montagne », nous pouvons créer le mot « volcan ».
.. + . やま . サン - 火山

Avec le kanji de « renard » et le kanji de « feu, flamme », nous pouvons créer le mot « feu follet / feu du renard ».
. きつね . + .. - 狐火
(Le mot « feu follet / feu du renard » fait référence à un yôkai du folklore japonais. Une légende raconte que ces lumières proviennent du soupir de renard, d’où leur nom. De nos jours, le phénomène du feu du renard ou feu follet en occident s’explique surtout par la combustion naturelle du pétrole, la foudre en boule ou une grande réfraction de la lumière qui se produit souvent dans les cônes alluviaux.)

Avec le kanji de « vert » et le kanji de « thé », nous pouvons créer le mot « thé vert ».
. みどり . リョク + . やま . チャ, - 緑茶

Avec le kanji de « eau » et le kanji de « oiseau », nous pouvons créer le mot « oiseau aquatique, palmipède ».
. みず . スイ + . とり . チョウ - 水鳥

Avec le kanji de « eau » et le kanji de « médicament », nous pouvons créer le mot « potion ; médicament liquide ».
. みず . スイ + . くすり . ヤク - 水薬

Avec le kanji de « feu » et le kanji de « médicament », nous pouvons créer le mot « poudre à canon ».
.. + . くすり . ヤク - 水薬

Avec le kanji de « fil » et le kanji de « cerisier », nous pouvons créer le mot « cerisier pleureur ».
. いと . オウ + . さくら . - 糸桜

Avec le kanji de « blanc » et le kanji de « fil », nous pouvons créer le mot « fil blanc ».
. しろ . ハク + . いと . オウ - 白糸

Avec le kanji de « dieu, divinité » et le kanji de « arbre », nous pouvons créer le mot « arbre divin ».
. かみ . シン + .. ボク, モク - 神木
(Le mot « arbre divin » fait référence aux arbres entourés d’une corde sacrée qui peut parfois atteindre une taille absolument gigantesque. L’arbre en question est considéré comme un endroit dans lequel réside un « kami », une divinité. Le terme de 神木 renvoie aussi aux rondins de bois dévoués à la construction de temples.)

Avec le kanji de « dieu, divinité » et le kanji de « histoire, conversation », nous pouvons créer le mot « mythologie, mythe ».
. かみ . シン + . はなし ., カイ - 神話

Avec le kanji de « poil » et le kanji de « fil », nous pouvons créer le mot « fil de laine ».
.. モウ + . いと . オウ, モク - 毛糸
(Le mot « laine » s’écrit bien 羊毛 et le mot « fil de laine » s’écrit bien 毛糸. Le premier mot sous-entend la « laine de mouton » puisque nous avons la présence du kanji de « mouton » bien qu’il puisse être employé pour parler de la laine en général.)

Avec le kanji de « montagne » et le kanji de « cerisier », nous pouvons créer le mot « cerisier de montagne ».
. やま . サン + . さくら . - 山桜

Avec le kanji de « montagne » et le kanji de « oiseau », nous pouvons créer le mot « faisan scintillant ».
. やま . サン + . とり . チョウ - 山鳥

Combinons trois kanji cette fois ! Avec le kanji de « feu », le kanji de « montagne » et le kanji de « île », nous pouvons créer le mot « île volcanique ».
.. + . やま . サン + . しま . トウ - 火山島

Avec le kanji de « feu », le kanji de « montagne » et le kanji de « ceinture », nous pouvons créer le mot « chaîne volcanique / chaîne de volcans ».
.. + . やま . サン + . おび . タイ - 火山帯

Petite anecdote historique

Pour la petite anecdote, est-ce que vous vous souvenez de ce qui se passe généralement quand nous katakanisons un mot ? Sa prononciation peut se retrouver plus ou moins altérée. Alors, je rappelle également que la langue japonaise s’efforce de rester le plus proche possible de la prononciation d’origine des mots étrangers qu’elle katakanise. Pour cela, les japonais ont créé de nouvelles combinaisons de kana pour adapter des phonétiques qui n’existent que dans des langues étrangères. Mais nous avons aussi vu que ces nouvelles combinaisons sont très récentes, environs soixante ans d’ancienneté. Mais alors comment ont fait les japonais, il y a des siècles de cela, quand ils ont repris les idéogrammes chinois et les prononciations chinoises de ces idéogrammes ?
Si la langue japonaise est très simple au niveau de ses syllabes, la langue chinoise, a contrario, est immensément riche dans ses syllabes et ses intonations. En guise d’exemple, une même syllabe en langue chinoise peut avoir parfois jusqu’à quatre prononciations différentes. C’est considérable ! Mais les japonais, eux, ont préféré rester simple. Donc, au lieu de retranscrire le plus fidèlement possible toute la richesse phonétique du chinois – surtout que les japonais possédaient déjà une langue parlée –, ils ont, en adaptant la phonétique chinoise à leur langue, considérablement altéré la prononciation de quantité de mots.
Cela étant, la langue japonaise contient par conséquent beaucoup d’homophones et pour cette raison les japonais ont conservé les kanji pour faciliter la différenciation entre les mots se prononçant pareillement, du moins à l’écriture. À l’oral, c’est surtout le contexte de la phrase qui déterminera ce dont parle l’interlocuteur.
Quand le Japon s’ouvrit à l’Occident et, bien plus tard, quand émergèrent Internet, les réseaux sociaux, la globalisation… avec tous les mots étrangers, notamment anglais qui accompagnait tout cela, les japonais se retrouvèrent obligés d’utiliser des mots qui leur étaient totalement étrangers et qu’ils n’étaient absolument pas habitués à prononcer. Même leur écriture, avant l’apparition des nouvelles combinaisons de kana, ne permettait pas de retranscrire fidèlement bon nombre de mots étrangers.
Et les kanji dans tout ça ? Ils ont donc chacun une prononciation sino-japonaise et nous avons vu dans ce cours, qu’en japonais, nous formons de nouveaux mots en combinant des kanji. Mais ensuite, comment savoir si nous devons prononcer tel nouveau mot en lecture purement japonaise ? Ou en lecture sino-japonaise ? Quand ce n’est pas carrément un mélange des deux ?!
C’est ce qui vous attend dans le prochain cours.

Et les exercices ?

Attendez ! Vous n’allez pas partir si vite, il vous reste encore des exercices à faire. Sur ce, ils sont disponibles en téléchargement ci-dessous comme d’habitude. L’exercice est extrêmement simple, je vous donne une liste de kanji avec leurs prononciations purement et sino-japonaises, et vous entourez en vert les prononciations purement japonaises, vous entourez en violet les prononciations sino-japonaises. C’est un exercice ultra simple mais il est important que vous acquerriez le réflexe de reconnaître au premier coup d’œil quelles sont les prononciations purement japonaises – ce sont celles écrites en hiragana –, quelles sont les prononciations sino-japonaises – ce sont celles écrites en katakana –.
Tous les kanji qui vous sont donnés dans l’exercice sont des kanji très usuels donc apprenez-les par cœur.
Ce cours est à présent terminé, je vous remercie de l’avoir lu. Continuez d’être assidu dans votre travail et vous ferez des progrès, je vous le garantis.
Bonnes révisions à tous et à toutes.